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pub-penseur vertBLOGL'UNIVERS N'A PAS LA FORME

pour une Ontologie du sens

17 novembre 2018 6 17 /11 /novembre /2018 16:14

 

Dans cet article j'essaierai de réinterpréter la relativité à partir de ce que je crois être les idées de Henri Poincaré.

 

Les concepts d’espace

Chacun connait la définition donnée par Galilée de la relativité de mouvement :

« Le mouvement est mouvement et agit comme mouvement en tant et seulement qu’il est en rapport avec les choses qui en sont privées ; mais en ce qui concerne celles qui y participent toutes également, il est sans effet ; il est comme s’il n’était pas. LE MOUVEMENT EST COMME RIEN ! »

  « …pour autant que la vitesse soit uniforme [c'est-à-dire constante] et ne fluctue pas de part et d'autre. Vous ne verrez pas le moindre changement dans aucun des effets mentionnés et même aucun d'eux ne vous permettra de dire si le bateau est en mouvement ou à l'arrêt »

 

Cette deuxième phrase a l’avantage de ne pas désigner le mouvement en tant que tel mais seulement des « choses en mouvement » de même qu’elle ne désigne pas les lois de la nature en tant que telles mais seulement l’expérience qu’on peut en avoir.

 

Einstein lui aussi, lorsqu’il énonce le principe de relativité précise que c’est la description des lois de la nature qui est invariante selon des espaces de référence et non les lois elles mêmes.
L’introduction de sa première conférence sur la relativité, nous met en garde sur un autre aspect :

« Toute science…s’efforce de classer nos états psychiques d’une certaine manière et de les coordonner en un système logique... Différents individus peuvent… comparer leurs états logiques à l’aide du langage…A tous les états sensibles qui se correspondent chez différents individus… on coordonne par la pensée une réalité…
Les concepts et les systèmes de concepts trouvent leur raison d’être dans le fait qu’ils nous permettent d’embrasser d’une seule vue les complexes psychiques ; ils ne possèdent pas d’autre justification.

Ces remarques d’Einstein, qui s’adressent tout particulièrement aux concepts de temps et d’espace, sont très claires : ces concepts ne se réfèrent pas à la forme de quelque chose extérieur à nous mais servent à ordonner nos états psychiques, nos sensations.

L'article "Concept d'espace et évolution" traite tout spécialement de ce sujet.

L'article "Le principe d'objectivation" traite de la relation de l'esprit au monde, particulièrement selon la vision d'E. Schrödinger.

 

- Einstein reprenait en substance les mots de Poincaré dans son livre « la science et l’hypothèse » Page 80 « Quand on dit que nous « localisons » tel objet en tel point de l’espace, Qu’est ce que cela veut dire ?

Cela signifie simplement que nous nous représentons les mouvements qu’il faut faire pour atteindre cet objet ; et qu’on ne dise pas que pour représenter ces mouvements, il faut les projeter eux-mêmes dans l’espace et que la notion d’espace doit, par conséquent, préexister.

Quand je dis que nous nous représentons ces mouvements, je veux dire seulement que nous nous représentons les sensations musculaires qui les accompagnent et qui n’ont aucun caractère géométrique et qui, par conséquent, n’impliquent nullement la préexistence de la notion d’espace »

Pour Poincaré le concept d’espace n’a pour référence ni une réalité formelle en vis-à-vis, ni une intuition a priori géométrique mais bien la conjecture (par l’esprit) de sensations futures elle-même fondée sur les états psychiques que sont les sensations.
L'article "Position vs groupe d'interdépendances" commente le concept d'espace selon Poincaré

 

On notera que 18 siècles avant Poincaré et Einstein, Nagarjuna traduisant les enseignements du Bouddha écrivait dans son "Traité du Milieu" (Seuil, 1995) :

" l'agent de mouvement, le mouvement et le lieu de mouvement n'existent pas [selon leur nature propre]"

Nagarjuna, au-delà de la relativité du mouvement et du lieu, leur dénie toute nature propre.

Conclusion : le concept d’espace et les concepts associés de point, de distance etc … sont une façon d’ordonner nos états psychiques, sans référence à une « forme » du monde.

Lire à ce sujet l'article "La terrible invention du Dieu Chronos"

 

La finitude de notre représentation

Le plus beau cadeau qu’ai pu nous faire la nature est la finitude de notre intelligence du monde, puisqu’elle conditionne l’écoulement de notre vie même.

En effet, puisque le lieu et l’instant sont des constructions de l’esprit, si notre esprit comprenait tout, il n’y aurait plus de place pour d’autres lieux et d’autres instants vers lesquels devenir, pas d’autre point de vue où nous pourrions apparaitre à nous-mêmes, exister pour nous-mêmes. Nous serions le monde, incapables de voir le monde.

Le « je » cartésien, implique non pas un espace vide alentour mais un voisinage logique dans lequel le « je » peut devenir et se représenter lui-même.

Ainsi, sans préjuger de ce qu’est la réalité de notre esprit (fini ou pas), sans préjuger d’une forme du réel (fini ou pas) nous pouvons admettre que notre intelligence ne représente pas, ne comprend pas tout le réel.
Il y a entre le monde et ce que nous en comprenons un rapport indéfini, inconnaissable.
La représentation du monde par la connaissance est limitée par un horizon sémantique, une limite au-delà de laquelle elle s’épuise, tout lui paraissant déjà «nommé» par des signes.

Cet horizon ne saurait, bien entendu, être défini en termes d’extension ou de durée. Sa forme est indéfinie.
Chaque connaissance nouvelle, chaque relation nouvelle avec ce que nous ne comprenions pas encore et comprenons maintenant repousse cette limite.

           

La position d’un objet dans l’espace

Le concept cartésien qui associe la position d’un point à 3 distances et un repère, pour efficace qu’il soit, ne peut nous satisfaire au regard des lignes qui précèdent.

Si pour fixer les idées, nous prenons comme repère un sujet debout, le bras droit tendu vers le coté et le bras gauche tendu vers l’avant on peut remarquer :

1) Les 3 distances de l’objet au sujet/repère n’existent pas en réalité mais ne sont que la conjecture, par l’esprit du sujet, de sensations à venir.

2) La représentation de l’espace par le sujet est indissociable de la représentation de toute sa Réalité. La position relative d’un objet et du sujet est donc un concept vide de sens. Seul le concept de position relative de l’objet dans la représentation par le sujet de son univers a du sens.

3) La représentation de la position relative de l’objet dans l’univers, se crée par expansion progressive de la Connaissance du sujet dans son voisinage logique et non par inclusion d’entités signifiantes en elles mêmes (telle que celle de distance).

 

Nous voyons à quel point ces trois remarques modifient notre compréhension du concept de position et doivent modifier notre interprétation des lois de la relativité.

 

La position d’un objet est créée dans et par l’esprit du sujet, de façon indissociable de sa représentation du monde et par attribution progressive de sens à des sensations.
La forme spatio-temporelle du monde dans sa représentation est déterminée par les lois statistiques qui règlent la formation du sens dans l’esprit du sujet. La question d’une forme spatio-temporelle du monde en Réalité est une question sans objet.

Voir aussi "Qu'y a t'il entre l'objet et le sujet ?"
Voir aussi "Etrange coïncidence"

Voir aussi w-pauli-espace-temps-et-causalite-dans-la-physique-moderne

Puisque la position des objets, c'est-à-dire la forme du monde est créée dans et par l’esprit du sujet, la forme du monde est relative au sujet, et plus précisément au sujet comme point de vue. Chaque instant présent du sujet est un nouveau point de vue sur le monde, c'est-à-dire une nouvelle forme du monde.
Bien que la Réalité soit sans forme, elle possède une infinité d’infinités de points de vue, c'est-à-dire qu’elle est représentée sous une infinité d’infinités de formes.

La géométrie du monde n’a pas de réalité, c’est une représentation. La façon dont un point de vue devient autre ne modifie en rien la Réalité mais seulement sa représentation par le point de vue et la géométrie de cette représentation. (relativité restreinte)

La représentation de l’espace par le sujet étant indissociable de la représentation de toute sa Réalité, la géométrie du monde qu’il représente est indissociable de tout le contenu de sa représentation. (relativité générale)

 

Il convient de distinguer la coïncidence sémantique (ou logique) de la coïncidence géométrique dans l’espace-temps. La coïncidence sémantique signifie qu’un élément sémantique apparait (existe, a du sens) à un point de vue (à l’instant présent d’un sujet connaissant).
L'article "Leibnitz et le prédicat contingent" précisent comment le prédicat est attaché à l'être.
Il y a interdépendance directe entre l’élément sémantique et le sujet à son instant présent.
Cette coïncidence sémantique est une réalité En acte, immuable.

Insistons sur ce point: La coïncidence sémantique ne résulte pas d'une proximité géométrique. Sa Réalité précède la représentation géométrique qu’en fera l’esprit.
Exprimée dans le langage du sens commun, c’est l’interdépendance logique entre deux « événements ». Par exemple:  Si l’événement émission d’un photon à la surface du soleil détermine directement l'événement réception de ce photon par mon œil, ils coïncident logiquement, sémantiquement. Cette coïncidence correspond à
Δ s = 0

La coïncidence sémantique (Δ s = 0) n’implique pas la coïncidence géométrique (Δ x=0 et Δ t = 0) dans la représentation d’espace-temps. Par contre la coïncidence géométrique dans l’espace-temps suppose la coïncidence sémantique.
Ce qu’exprime la relativité restreinte, c’est l’invariance des coïncidences sémantiques dans les différentes représentations du monde par le sujet.

 

L’expansion progressive de la Connaissance du sujet dans son voisinage logique crée une relation d’ordre irréversible entre ce qui est compris et ce qui comprend.
Ce qui comprend représente ce qui est compris.
Cette relation d’ordre est l’essence du temps subjectif du sujet.
Comprendre, c’est fusionner ce qui est compris avec de nouvelles déterminations.

Le sujet qui comprend représente en son temps présent ce qu’il a compris augmenté des déterminations « nouvelles ».

Ainsi, la représentation du monde par le sujet évolue suivant son temps subjectif tout en augmentant son contenu sémantique.
La relation d’ordre entre ce qui comprend et ce qui est compris, entre l’instant présent du sujet et ses instants passés, déjà compris, est accompagnée par l’expansion du contenu sémantique de la représentation.
Le
temps subjectif du sujet est accompagné d’une expansion de l’univers de sa représentation.

 

Cette expansion ne se produit pas d’un bloc, comme le ferait une onde.
Comme nous l’avons déjà écrit, le contenu sémantique de notre connaissance est constitué d’un système innombrable d’attracteurs interdépendants.
Chaque attracteur a un voisinage de nouvelles déterminations non encore comprises.

La structure d’un attracteur sémantique détermine quelles probabilités il a de s’étendre par intégration de déterminations dans son voisinage sémantique.

Ces lois de probabilité singulière sont le sens de l’attracteur, elles déterminent sa persistance ou pas, les possibilités de son expansion.
La Connaissance du sujet s’augmente donc par une infinité d’expansions d’attracteurs interdépendants.
On pourrait tout aussi bien dire que la Connaissance s'augmente par diffusion dans son voisinage sémantique.
La structure de ce système d’attracteurs détermine les lois de probabilités qui règlent son expansion.

 

La Connaissance est possiblement un parcours infini, mais sa représentation est limitée par un horizon.
La représentation du monde par le sujet est limitée par un horizon sémantique, une limite aux contours indéfinis au-delà de laquelle elle s’épuise, tout lui paraissant déjà aggloméré sous forme d’éléments sémantiques, d’attracteurs de sens.
Notons bien que cet horizon sémantique ne sépare pas un intérieur d'un extérieur, il n'a là encore, rien de géométrique.Il nous masque tout autant l'infiniment petit que l'infiniment grand. Il nous masque l'infiniment complexe.
Au fur et à mesure que la Connaissance du sujet s’étend, sa complexité augmente et de nouveaux attracteurs prennent naissance. En prenant le sens d’Un élément sémantique, d'un signe, l’attracteur masque sa réelle complexité.
L’horizon de représentation est fixé par l’équilibre entre expansion de la Connaissance et agglomération du sens.

 

Des deux paragraphes qui précèdent on déduit que

- Une Connaissance est un système innombrable d’attracteurs interdépendants.

- Les infinités d’expansions et d’agglomérations de ces attracteurs suivent des lois de probabilités.

- La structure de « ce qui est compris », la Connaissance déjà parcourue par le sujet, détermine les probabilités de « ce qu’il comprend », la nouvelle Connaissance.
- L
’équilibre statistique entre expansion et agglomération des attracteurs impose un horizon de représentation

- L’agglomération étant tributaire de la complexité qui elle-même est tributaire de l’expansion, il y a nécessairement un surplus de l’expansion (les nouvelles déterminations) sur l’agglomération (la naissance d’éléments sémantiques).

- Ce surplus ou résidu, est représenté comme l’espace-temps où circulent les interdépendances entre éléments sémantiques.
- La géométrie de cet espace-temps est fixée par les lois de probabilités qui règlent expansions et agglomérations.
- La constante c (célérité de la lumière) résulte de ces lois qui sont des lois de la Connaissance, de l’Esprit.

Conclusion:

Ces pensées ne sont pas celles de Poincaré mais une vision de l'espace-temps selon l'Ontologie des Connaissances.
Néanmoins je les place "dans les pas de Poincaré" parce que qu'elles reprennent deux des traits de génie de Poincaré
1- que l'espace, la géométrie, les notions de distances sont la représentation de conjectures, sans lien avec la géométrie, faites par l'esprit du sujet.

2- que l'application de suites infinies de transformations débouche sur des solutions déterminées, persistantes, déterminées non par les conditions initiales mais par la loi de transformation elle même. Que la loi crée l'être.

Note: Cet article fait suite aux articles "L'Univers de la relativité" et "L'Être et la relativité"

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commentaires

S
Oui pour la finitude ! Je m'aperçois, en écrivant mes derniers billets que cette finitude conduit à concevoir des "cycles" et ce n'est pas sans conséquences.<br /> Pour le mouvement, oui, bien sûr partir de Galilée. Mais l'inertie a une autre conséquence plus fondamentale : c'est ce qui permet de parler d'égalité entre deux "instants", j'en parle dans l'un de mes billets. Sans cela, pas de distance parcourue, et pas d'espace... Quand à Poincaré, il parle également de l'espace en termes de mouvements, dans l'un de ses livres.<br /> Il faudrait revenir à la vision duale globale / locale : c'est une question de fond en mathématiques, dès que l'on s'éloigne un peu de la logique, pour arriver à la géométrie (i.e.: en changeant de point de vue et ne se référant plus à "l'objet final", mais à "l'objet initial")....<br /> Il faudrait partir de plus profond... parler de "distance", c'est déjà très "construit", avec la notion de surface, donc de forme simplectique, mais avant cela, il y a l'intuition de l'espace affine et projectif si important en relativité...<br /> http://www.entropologie.fr/2018/07/sur-la-simplectisation-de-la-physique.html
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