In mundo non datur fatum
Support de l’article:
Kant Critique de la raison pure
Traduction et présentation Alain Renaud
GF Flammarion 2001
Analytique des principes
Postulats de la pensée empirique p285
Préambule :
L’objectif n’est pas ici d’expliquer ou de contester le texte de Kant, mais de montrer qu’un des principes de l’OdC est déjà présent dans la « Critique ».
A savoir que « les lois que le sens commun et la science attribuent aujourd’hui encore à l’Univers, à cette réalité externe dont nous croyons « prendre » connaissance, résultent en fait des lois de l’entendement, des règles qui, à la fois, rendent possible et donnent forme à toute expérience. »
Le choix de ce passage a certes quelque chose d’arbitraire. Disons qu’il est pertinent par rapport à l’objectif, qu’il a l’avantage d’être assez compréhensible (ce qui n’est pas négligeable concernant Kant) et qu’il m’a paru d’une valeur particulièrement générale.
L’Ontologie des Connaissances se distingue de l’Idéalisme Critique de Kant en cela (et en bien d’autres aspects) qu’elle déshumanise
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Article :
A plusieurs reprises dans cet extrait Kant nous rappelle que sa démonstration concerne les phénomènes et leurs perceptions répondant aux lois générales de l’expérience.
« Donc ce n’est pas de l’existence des choses (substances), mais de celle de leur état que nous pouvons connaître la nécessité, et cela à partir d’autres états qui sont donnés dans la perception, conformément aux lois empiriques de
Note 1. Pour l’OdC c’est l’inverse, c’est la probabilité effectivement singulière de cet effet en tant que phénomène « à venir » qui est le sens de la cause; en cela que cette probabilité singulière rend efficaces des conjectures
Tout ce qui arrive est hypothétiquement nécessaire : c’est là un principe fondamental qui soumet dans le monde le changement à une loi, c’est-à-dire à une règle s’appliquant à l’existence nécessaire, sans laquelle règle il n’y aurait pas même de nature. Par conséquent, le principe : rien n’arrive par un hasard aveugle (in mundo non datur casus) est une loi a priori de
Note
C’est d’autant plus vrai que, comme le montre EK, les causes ne sont jamais des substances mais seulement des états.
de même : aucune nécessité intervenant dans la nature n’est une nécessité aveugle, mais c’est toujours une nécessité conditionnée, par conséquent intelligible (non datur fatum). Ces deux principes sont des lois à travers lesquelles le jeu des changements se trouve soumis à une nature des choses (en tant que phénomènes) ou, ce qui est équivalent, à ‘unité de l’entendement, dans lequel seulement elles peuvent appartenir à une expérience considérée comme l’unité synthétique des phénomènes. »
Note 3 les « non datur casus » principe de causalité et « non datur fatum » principe de nécessité intelligible sont liés aux lois qui assurent l’unité de l’entendement et rendent toute expérience possible.
Ces deux principes appartiennent aux principes dynamiques. Le premier est proprement une conséquence du principe de causalité (tel qu’il fait partie des analogies de l’expérience). Le second appartient aux principes de la modalité, laquelle ajoute encore à la détermination causale le concept de la nécessité – mais une nécessité qui est soumise à une règle de l’entendement. Le principe de la continuité interdisait tout saut dans la série des phénomènes (changements) (in mundo non datur saltus), mais aussi, à l’intérieur de l’ensemble constitué par toutes les intuitions empiriques dans l’espace, toute lacune ou tout hiatus entre deux phénomènes (non datur hiatus) ; car on peut formuler ainsi le principe : dans l’expérience, rien ne peut entrer qui prouve un vacuum ou même simplement le permette, comme s’ il pouvait être une partie de la synthèse empirique. …De même le principe de continuité (non datur saltus) et celui d’absence de hiatus ou de lacune (non datur hiatus)
Note 4 Cette démonstration a été illustrée depuis par les expériences faites sur des sujets hémi-négligents suite à un traumatisme. Bien qu’ils ne perçoivent qu’une partie (par exemple la moitié gauche) de l’univers que perçoit un sujet normal, leur entendement synthétise pour eux un univers sans manque et sans hiatus. Ref : Comment la matière devient conscience G. Edelman G Tononi éd. O. Jacob sciences 2000
Les 4 principes dynamiques de toute expérience possible mentionnés par EK se résument ainsi :
In mundo non datur Hiatus : Principe d'absence de vides
In mundo non datur Saltus : Principe de continuité
In mundo non datur Casus : Principe de causalité
In mundo non datur Fatum : Principe d'une nécessité intelligible
A ces principes dynamiques l’Ontologie des Connaissances ajoute, comme résultant des lois de la Connaissance, les principes formels qui veulent que nous nous représentions nécessairement
1- nous-mêmes «au centre de notre univers perçu»
2- nous-mêmes en un temps présent qui nous paraît correspondre "au dernier instant de notre perception"
3- le monde sous forme d’êtres existant dans ce même temps présent et en devenir selon le même écoulement du temps.
L'article "Kant vs Cantor" montre comment "la critique" rendait caduque, un siècle à l'avance, toute utilisation de la théorie des ensembles de Cantor comme une ontologie.
Conclusion:
Si donc, comme le montrent Kant et l’OdC, les lois de l’entendement (et/ou de la Connaissance) suffisent à expliquer la forme que nous donnons au monde, en quoi l’hypothèse d’une forme du monde en réalité, d’une forme externe, serait-elle nécessaire ?
Puisque, par le Cogito, l’existence de l’entendement se prouve d’elle-même. Puisque Kant nous montre que les lois de l’entendement sont nécessaires et, pour l’essentiel, suffisantes à justifier la forme et la dynamique de nos représentations du monde. Pourquoi ne pas faire l’économie de l’hypothèse, qui plus est invérifiable, d’une forme de la réalité ?
D’autant que l’idée n’a rien de nouveau: le concept de « vacuité de forme » est familier de la pensée orientale depuis des millénaires, même si nous, occidentaux, formatés par 15 siècles de dogme judéo-chrétien, voulons voir dans le concept de vacuité une mystique plus qu’une métaphysique efficiente.
La Connaissance, déshumanisée par l’OdC, est libre des soupçons de subjectivité et d’inconsistance qui pouvaient être émis vis-à-vis de l’entendement de Kant. Le parcours de connaissance n’est pas même « contenu » dans un sujet connaissant. Les lois qui règlent le parcours de Connaissance sont purement mathématiques, probabilistes. Appliquées à des parcours d’une complexité bien au delà de l’imaginable, ces lois pourront présenter la répétabilité des lois déterministes du monde macroscopique, conduisant à une représentation invariante malgré des points de vue divers.
L'article "PERSISTANCE" montre comment les principes dynamiques et formels de l'entendement trouvent leur fondement dans les lois statistiques qui règlent la pensée/objet.
Si donc la Connaissance (ou l’entendement) donne forme à une réalité sans forme, suivant les lois qui règlent un parcours de connaissance « à partir » du point de vue, alors il est absolument logique que la représentation de monde soit relative au point de vue.
Le principe d’équivalence cher à A Einstein devient une évidence, à condition d’être réécrit comme suit :
« Les lois qui règlent la représentation du monde sont les mêmes quel que soit le point de vue. »