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pub-penseur vertBLOGL'UNIVERS N'A PAS LA FORME

pour une Ontologie du sens

27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 19:39

Les grecs anciens pensaient que le Kosmos ordonné (celui que nous voyons dans nos télescopes) avait été extirpé par le Logos de la réalité informe du Khaos.

Nous allons voir dans les pages qui suivent que cette représentation doit bien plus au raisonnement qu’à la mythologie.

Le chaos moderne

Il faut d’abord distinguer le Khaos antique de sa version contemporaine, ou plutôt des évolutions chaotiques dont traite la science contemporaine.

La physique des évolutions chaotiques inclut un certain nombre de préexistants :

Le temps, au moins en tant qu’axe du devenir.

La réalité des êtres à la fois dans leur existence, leurs formes et qualités.

Les lois qui déterminent les liens de causalité.

A l’opposé, le devenir et la causalité y sont considérés comme accidents de l’être et non comme réalités en soi: seul ce qui est devient et la causalité ne fait qu’expliquer les qualités de l’être.

L’univers des évolutions chaotiques étudiées par les sciences modernes est donc loin d’être informe, même s’il est reconnu que l’évolution chaotique est créatrice d’êtres (les attracteurs) et de formes nouvelles (par exemple: la vie)

Dans les modèles d’évolutions chaotiques développés aujourd’hui, la superposition de la causalité et du temps, la préexistence des êtres et des lois d’interaction sont autant de contraintes qui certes, permettent de comprendre des phénomènes du réel, mais réduisent considérablement la portée générale d’une étude du chaos en tant que tel.

Le Khaos antique

Le Khaos antique est informe. On ne peut dire ni qu’il est, ni qu’il devient puisque être et devenir sont déjà des formes qui présupposent le temps. Sa réalité n’est pas éternelle car l’éternité même est une forme. Nous dirons que le Khaos « est-toute-réalité » et nous reconnaîtrons qu’au delà de ce constat/définition le Khaos est indicible.  

Ou plutôt serait indicible sans le Logos. Car le but de cet article est de montrer comment le Logos donne au Khaos indicible le sens de « notre » Kosmos, peuplé d’êtres aux devenirs gouvernés par des lois.

Nous décrirons le Logos comme un principe créateur et non comme une puissance créatrice car nous verrons qu’il ne change en rien la réalité du Khaos, par définition immuable puisque non soumise au temps.

 Modèle minimal de Khaos

 Pour expliquer le principe du Logos, il nous faudra bien parler du Khaos !

Dans ce but, nous construirons un modèle minimal de Khaos.

Ce modèle sera constitué de 2 éléments ontologiques

Le grain de sens que nous nommerons Monade (voir note finale)

Le lien de partage de sens par lequel la monade A partage du sens avec la monade B, A pouvant aussi partager avec C par un autre lien etc …

Le terme « partage » de sens doit être compris comme « avoir en commun » et non comme « échanger ». Ainsi défini le partage est réversible.

Nous reviendrons plus loin sur la nature du sens

Nous pourrons ainsi représenter notre modèle minimal de Khaos comme un réseau de partage de sens

Bien entendu, ce modèle aux composants discrets n’aura de valeur que comme support provisoire d’un raisonnement. Je demande au lecteur de me faire crédit de ces définitions provisoires sur lesquelles nous reviendrons.

 La boucle de partage de sens

Une disposition remarquable dans ce réseau sera la boucle de partage de sens dont l’exemple le plus simple serait "A partage du sens avec B, B partage du sens avec C et C partage du sens avec A.
Plus généralement on nommera « boucle de partage de sens » un ensemble de liens de partage de sens statistiquement bouclés.
Les Monades de cette boucle, partagent globalement le sens et constituent un nouveau grain qui associe le sens des Monades composantes et le supplément que constitue la circulation du sens en boucle.

Tous les liens attachés aux Monades composantes ne participent pas nécessairement à cette boucle, la Monade composée aura donc des liens de partage résiduels avec d’autres Monades.

Ceci nous montre comment se constitue une Monade « composée » à partir de ses « composantes ».

Les questions se posent alors : « La Monade composante n’est elle pas elle-même composée ? La Monade n’est elle pas superflue en tant qu’élément ontologique ? Ne peut-elle être définie simplement comme une circulation du sens « en boucle » ? Dans quelle mesure peut-on diviser une Monade à l’infini ? Au bout des partitions d’une Monade en ses composants, n’y a t’il pas une Monade indivisible, un atome de sens ? "

Le Khaos n’est pas un continuum

Cette dernière question va mettre en lumière une première propriété remarquable de notre modèle minimal de Khaos.

Dans la description usuelle d’espace et de temps, l’appartenance du composant au composé est considérée comme une réalité en soi, dans le présent. Les forces qui unissent les composants de l’Etre sont considérées comme les causes de l’appartenance et non pas comme la réalité de l’appartenance. Parce que l’Univers est du présent qui change, parce que rien n’existe en réalité que dans le présent et que la cause n’est jamais du présent.

Dans l’espace-temps le tout contient nécessairement les parties. L’appartenance dans le présent, repose de façon implicite sur une structure d’espace et sur le fait que les lois d’appartenance (qui sont de nature spatiale même lorsque ce n’est pas dit de façon explicite) ne sont pas modifiées par une partition.

Or l’appartenance « en soi » ne s’applique pas à notre khaos modèle. La partition d'une Monade répond à des règles différentes, qui ne sont pas "géométriques".

Notre modèle minimal de khaos ne présuppose pas l’espace-temps. Le partage du sens n’est pas la conséquence d’une appartenance « spatio-temporelle » ni ne résulte d’une Unité sémantique a priori. Le partage du sens est la réalité ontologique première dont toute «vérité» découlera.

Si les Monades « composantes » contribuent au sens d’un ensemble « composé », elles ne lui « appartiennent » pas pour autant. Un composant ne porte pas en lui le sens de son appartenance à l’ensemble composé, la seule réalité de cette appartenance est la globalité statistique des liens de partage qui lient ce composant au tout.

Il pourra arriver un moment de la subdivision sémantique d’un « composé » où les composants n’apparaîtraient plus comme participant à l’unité du composé mais à d’autres Monades, distinctes sémantiquement de ce composé. On pourrait dire que l’intérieur ouvre sur l’extérieur.

Dans notre univers familier l’émission/absorption d’un photon donne une illustration concrète de cette propriété :
Considérons les événements E1: "émission d'un photon au temps T à la surface du soleil" et E2:" réception de ce photon au temps T + 8 mn à la surface de la terre". Dans notre modèle d'univers, la subdivision de l'événement "statut de la terre au temps T + 8 mn" conduit bien à E2, mais la distinction entre E1 et E2 semble irréductible dans un repère global incluant le soleil et la terre.
Dans une description basée sur le partage du sens, la subdivision de la Monade "statut de la terre au temps T + 8 mn", en se focalisant sur E2, nous montrerait finalement une Monade E2 indistincte de E1 car liée à E1 par un lien de partage total de sens, et donc « extérieure » à la Monade « Terre à T+8mn ».
Voilà qui illustre simplement la relativité restreinte : dans un repère lié au photon (fut-il purement géométrique), le parcours dx du photon est nul par définition et c étant invariant, le temps du parcours dt=dx/c est également nul, E1 et E2 sont bien confondus.

Ainsi donc dans notre modèle minimal de Khaos, l’infiniment simple n’existe pas en réalité, le composant n’appartient pas nécessairement au composé, le Khaos n’est pas un continuum.

Nous avons donc répondu à nos questions : La Monade peut être considérée comme l’observation d’une circulation « bouclée » du sens et non comme un composant ontologique premier.

 Le partage du sens est l’unique réalité ontologique.

En ôtant à la Monade son statut de réalité ontologique, nous mettons en évidence une propriété plus fondamentale encore de notre Khaos : l’Unité n’y est pas une réalité, la chose Une n’a pas de réalité, l’Unité de sens est une configuration particulière, un accident de la circulation du sens. 

L’agglomération du sens

Nous allons découvrir maintenant une troisième propriété remarquable de notre modèle minimal de Khaos.

Pour cela définissons provisoirement un paramètre: le foisonnement auquel nous donnerons la définition simpliste: "Le foisonnement est, exprimé statistiquement, le nombre de liens de partage de sens issus de chaque Monade."

Dans le cas d'un foisonnement égal à 1 (F=1) nous retrouvons la description du lien de partage total de sens. Cette chaîne causale porte le sens de son élément origine jusqu’à sa conséquence finale.

Dans le cas d’un foisonnement égal à deux (F=2) les choses se compliquent car la progression de la complexité (N) n’est pas géométrique (N=tF) mais exponentielle (N=Ft) en fonction du nombre t d’itérations

Remarque: dès lors que F>1,  quand t è ¥ , Ft / t n è ¥ , " n entier
Pour donner un sens plus imagé à cette remarque: dans une représentation géométrique, si nous prenions le lien de partage de sens comme unité métrique, la densité du partage de sens deviendrait infinie, quel que soit le nombre de dimensions de cet espace.
Inversement, si F=1, la densité du partage de sens serait nulle pour tout espace de plus d’une dimension

Pour tout foisonnement supérieur à un, le contenu sémantique serait infiniment dense, pour ce que vaut la notion de densité. Comme si la réalité était « plus que pleine» de sens. Comme si on voulait observer le bigbang de l’intérieur !

Dans ces conditions la réalité ne pourrait prendre sens.

Par chance, un processus, le Logos, permet de réduire la complexité jusqu’à  rendre dénombrable à la fois les éléments sémantiques et leurs attributs.

Il rend possible une application depuis le contenu sémantique observé vers ce qu’il faudra bien nommer une géométrie de l’univers représenté.

Nous ferons le postulat que la probabilité d'existence de boucles de partage de sens croit avec le foisonnement et en particuliers que lorsque le foisonnement tend vers l'infini la probabilité d'existence de boucles tend vers un.

Ainsi un réseau dont le foisonnement est supérieur à 1 conduit nécessairement à l’existence de boucles, constituant des « Monades nouvelles ».  La "mise en commun" des liens de partage de sens en ces Monades nouvelles contribue en retour à réduire le foisonnement observé jusqu’à l’asymptote d’un lien unidimensionnel.

Du Khaos au Kosmos

Nous avons vu que notre modèle minimal de Khaos pouvait être rendu plus général par l’abandon de la Monade et du lien de partage de sens comme réalités ontologiques pour ne conserver que la circulation du sens comme unique réalité.

Nous avons vu le principe qui, s’appliquant à toutes les échelles, réduit l’infinie complexité de la réalité informelle du Khaos, pour lui donner l’apparence (le sens) d’une réalité constituée de Monades liées par des liens de partage de sens. 

Certes cette réalité représentée n’est pas encore le Kosmos : les Monades ne sont pas les objets, les liens de partage ne sont pas les interactions et ne circulent pas dans l’espace-temps, mais les bases sont là.
Nous pourrons ultérieurement, en analysant plus en détail les propriétés induites par le Logos comprendre comment nous apparaissent les lois du Kosmos.

Le LOGOS

Nous nommerons LOGOS ce principe d’agglomération du sens.

Le LOGOS ne change rien à la réalité informelle qui est par essence immuable. Les quantas de sens ne sont pas des réalités nouvelles, rappelons que la seule réalité reste le partage du sens.

Le LOGOS est statistique. Dans notre modèle, l’agglomération du partage de sens en boucles, si elle n’est pas indépendante de la valeur du foisonnement, doit avant tout être considérée comme la solution ou plutôt une combinaison des solutions propres de l’application statistique qu’est le LOGOS.
Parmi les propriétés qui en découlent notons la quantification du sens (la Monade est l’équivalent d’un attracteur dans une évolution chaotique) et la sensibilité au choix du point focal (équivalent des conditions initiales d’une évolution chaotique)

Le LOGOS est relatif en ce sens que, selon les points focaux, son application donne des infinités de représentations de cette réalité immuable.
Sur cette base on pourra montrer ce qu’est le changement dans la représentation d’une réalité immuable
.

 La nature du sens

Il nous faut revenir sur ce point : le quanta de sens ou Monade ou élément sémantique n’est pas « en réalité » un être ni une qualité de l’être dans le présent.
Le partage (du sens) n’advient pas aux Monades mais c’est au contraire la Monade qui résulte d’une structure particulière du partage. Le partage est la seule réalité et le sens en tant que qualité de l’être n’en est qu’une représentation.
L’exemple du tourbillon illustre bien cette nuance: le tourbillon à la surface de l’eau n’est pas un être en réalité mais résulte bien d’une organisation particulière des vitesses. Il n’est pas non plus un ensemble de gouttes d’eau car les gouttes passent alors que le tourbillon demeure.

L’être statistique

La science (par ex physique statistique, physique quantique, sociologie..) considère une valeur statistique comme une réalité dans le présent. Ainsi la pression est bien la qualité réelle et présente d’un gaz, qu’il soit observé ou non.

Il s’agit là d’une erreur sur le plan métaphysique.

L’erreur provient de la transposition non justifiée d’une représentation de la pensée vers le réel : rien dans la réalité présente des molécules de gaz n’est porteur de la corrélation statistique de leurs énergies cinétiques.

Sauf à considérer la corrélation elle même comme une réalité ontologique nouvelle, non locale et défiant les lois de la relativité, la pression d’un gaz n’a pas de réalité dans le présent.

La seule réalité d’une qualité statistique tient dans les causes et les conséquences.

Elle n’est ni dans le temps présent, ni même dans le lieu de l’être qu’elle qualifie.

La seule réalité de la pression d’un gaz est dans la multitude d’interactions qui peuplent le passé causal de ce gaz et la seule existence de cette pression sera dans ses conséquences, y compris sa conséquence sur le moyen d’observation. Cette réalité n’aura le sens de pression (qualité dans le présent) que dans la représentation qu’en fera l’observateur, représentation régie par les lois statistiques du Logos.

Cette remarque s’applique également à la Monade ou quantum de sens de notre khaos. L’Unité de la Monade n’est pas une qualité ou une forme dans le lieu et dans le présent de la Monade (il n’y a ni lieu, ni présent dans notre khaos) l’Unité de la Monade n’a pas d’autre réalité que le réseau infini de partage qui lui donne sens.

Ainsi nous pouvons dire que le quantum de sens n’est qu’une représentation, un point de passage sémantique. Sa réalité n’est autre que le réseau infini de partage de sens qui le constitue, masquée et transformée par le Logos en contenu sémantique. Son existence n’est autre que le champ infini des ses conséquences.

 Le partage du sens

Si le quantum de sens, si le sens en tant que qualité du quantum ne sont pas des réalités, qu’est-ce que le partage de sens en réalité ?

Puisque  partager c’est « avoir en commun » ; Puisque le sens d’une Monade est le réseau infini de partage qui la constitue ; Nous dirons simplement que deux Monades partagent du sens si elles ont en commun une partie des réseaux qui en constituent la réalité. 

Conclusion

Ces quelques pages nous imposent de reconsidérer notre compréhension de la réalité et de sa représentation :

La réalité n’a pas de forme a priori
Représenter la réalité ce n’est pas reconnaître ses formes, c’est lui donner sens, donner forme à la réalité.
L’attribution du sens se fait par le Logos, principe purement logique, objectif, universel, régi par des lois statistiques.
Ces lois confèrent à la représentation de la réalité des propriétés qui se superposent à ce qui résulte de la réalité elle-même.
Ainsi le Logos est cause de l’intelligibilité du réel, de la quantification du sens, de la relativité de toutes formes, de la nature statistique des qualités de l’être etc.

L’Etre tel que le décrivait Aristote, à la fois Unité et Qualités, n’est pas une réalité mais une représentation. L’être n’a pas d’autre réalité que ses causes qui sont l’être en puissance et ses conséquences qui sont l’être en acte.

La réalité ontologique première n’est pas l’individualité mais le partage.

La Monade

Ce terme est emprunté à Leibniz. Pour Leibniz la Monade était l'unité d'Etre, elle se comprenait par son dynamisme interne, sa force, son unité. La substance de la monade était la force dynamique qui ordonne sa multiplicité. C'était l'expression de la force créatrice déposée par Dieu en toute chose.

Leibniz refusait de limiter la description de l'univers au seul point de vue de la matérialité de l'univers et de l'obéissance de cette matière aux lois de la physique. Un tel point de vue selon lui ne pourrait donner de raison d'être à l'univers. Il fallait rendre compte de la force créatrice déposée (selon lui par Dieu) en chaque corps. Le futur résultant non plus de l'évolution passive d'un monde de matière gouverné par une "mécanique" mais résultant d'une "propension à exister" inhérente à l'univers. La science moderne a depuis rejoint un point de vue très voisin montrant, par l'étude statistique des systèmes complexes loin de l'équilibre, que l'évolution du vivant et son adaptation au milieu, sa "volonté d'être", loin de résulter d'un improbable hasard correspondent bien aux lois de l'univers, que le vivant "était inscrit" pourrions nous dire dans les lois de l'univers.

Cet article met bien en évidence un principe créateur, universel et transcendant dont la Monade telle que définie dans cet article est bien le « nexus ».
Malgré sa similitude de principe, cette Monade n’est pas celle de Leibnitz. Elle n’est pas Unité d’être « en réalité » mais « en représentation », « en vérité ».

 

 

 

 

 

Ce postulat dicté par le simple bon sens mériterait bien sûr une démonstration mathématique rigoureuse, voire une simulation par ordinateur. L'une et l'autre me semblent possibles pour de plus compétents que moi en mathématiques. 

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